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Senseï Taiji Kase

Le novateur

Taiji Kase, le précurseur

(Source Karaté Bushido, Juillet-Août 1995)

Il a formé tous les cadres du Karaté français : Sauvin, Didier, Paschy, Lavorato, Petitdemange … ont été ses élèves. 9e dan de Karaté, Maître Taiji Kase vit en France depuis 1967. Combattant hors-pair, il était chargé dans les années 60 de relever les défis lancés à la J.K.A., la puissante fédération Shotokan. Christian Courtonne nous présente ce maître hors du commun.

Cet article va aujourd’hui centrer le débat sur l’évolution du Karaté. En effet, si une face du Karaté est aujourd’hui surexploitée, une autre, plus profonde car issue du Karaté traditionnel enseigné par Maître Funakoshi, plus réaliste et plus pure, évolue, s’enrichit au sein d’une académie fondée par un maître qui force le respect de tous et qui est un trésor vivant du Karaté. Il s’agit de Maître Kase, ceinture noire 9e Dan de Karaté, qui inscrit en Europe, en ce moment, son action dans la légende du Karaté.

Le parcours de Maître Kase

Un certain mystère plane sur le parcours de ce maître, né au Japon en 1929. Il y étudie tout d’abord le Judo et l’Aïkido. Il connaît ses premiers entraînements de Karaté dans la marine, dans des conditions très violentes, et s’entraîne ensuite dans le dojo de Yoshitaka Funakoshi, le fils de Gishin Funakoshi, grand maître qui a su intégrer le Karaté dans le Japon moderne, tout comme Maître Nakayama a su le diffuser dans le monde entier. Cette formation première a forgé son style. Nous allons voir que Maître Kase fait passer le message originel que lui a transmis Gishin Funakoshi lorsqu’il visitait le dojo de son fils, et l’enrichit aujourd’hui, après avoir été l’un des acteurs actifs du prosélytisme de la Japan Karate Association. Nous retrouvons quelques années plus tard Maître Kase, combattant hors-pair, à l’université de Taikushoku où il dirige les cours combat de la J.K.A. Il a dans ses rangs des élèves qui s ‘appellent Enoeda, Shirai et Ochi. Ceux d’entre nous qui ont pu recueillir les confidences de ces maîtres le savent : les entraînements étaient très très durs. En effet Maître Kase, dans un milieu où l’on peut parfois faire illusion, a toujours dominé physiquement ses interlocuteurs durant des entraînements sans concession. N’oublions pas que dans les années 60, c’est lui, avec Maître Nishiyama, qui était chargé de relever les défis ! Comme les plus grands maîtres japonais au milieu des années 60, Maître Kanazawa par exemple, il est chargé de la divulgation de cette discipline à travers le monde et visite des pays tels que l’Afrique du Sud, les Etats-Unis et l’Europe. C’est sur l’initiative de Maître Plée, comme nous le révèle Jean-Pierre Bergheaud (président du Comité Départemental du Val-de-Marne et historien du Karaté français), qu’il arrive un jour de l’année 1967 à la Gare de Lyon à Paris. Trois personnes l’accueillent : Henry Plée, un ami italien et Jean Pierre Lavorato, son élève le plus ancien qui est sans conteste en France le chef de file de ce courant du Karaté.

9 années d’enseignement en France

Dès son arrivée, fidèle à son instinct de guerrier, qui ne s’est jamais atténué, il se confronte aux champions des différentes méthodes de combat. Le résultat est sans appel. Suivent cinq années d’entraînement historiques, dans le dojo du 34 rue de la Montagne Sainte Geneviève, creuset du Karaté. En 1972, il enseigne au centre Daviel à Paris, dans le 13e arrondissement. Puis il ouvre en 1973 le dojo de la rue Daguerre. Trois années d’enseignement exceptionnel ont lieu dans cette salle du 14e arrondissement. Il s’agit d’un vrai dojo, consacré uniquement au Karaté, ouvert de 9 heures du matin à 10 heures du soir. Les cours se succèdent, de l’entraînement de ses assistants et de son équipe le matin au cours des débutants dispensé par ses fidèles, en passant par ses entraînements libres, le travail au sac, au makiwara. Les Maîtres Nakayama, Enoeda, Ochi, Shirai, Oshima et bien d’autres, ont visité ce lieu.

Une page d’histoire

C'est au cours de ces 9 années que s’est écrite une page de l’histoire du Karaté français. Imaginons un cours où sont présents Francis Didier, entraîneur actuel des équipes de France, Michel Roussaud, entraîneur de l’équipe de France technique, Jean-Pierre Lavorato, François Petitdemange, Lenoir, Roger Paschy, Camille Daudier, Raphäel Gaillard, le professeur de Montama qui a été le premier Champion du Monde individuel, Hervé Delage, Franco Daloia, Christian Babille, Jean-Pierre Perilleux, Daniel Lautier, Daniel Criquet, Kenji Tokitsu, Guy Sauvin, le DTN comblé de la FFKAMA, et bien d’autres responsables aujourd’hui de la qualité du Karaté français. L’historien retiendra que c ‘est là que s’est forgé un axe du Karaté français. Et pourtant, il ne s’agissait que de la première étape de l’enseignement. Beaucoup restait encore à découvrir. Puis, en 1976, Maître Kase prend ses distances avec toute organisation après avoir conduit sa sélection à la 3e place aux Championnats d’Europe Shotokan IAKF. Beaucoup se sont interrogés, à l’époque, sur ce retrait. Nous en retiendrons la grande courtoisie du Maître, qui n’a pas souhaité interférer dans la délégation du service public décidée par un état hospitalier en faveur d’une fédération sportive. Ses rapports avec cette fédération sont très cordiaux, voire amicaux avec certains hauts responsables. Ce retrait lui ayant permis d’approfondir sa recherche personnelle, on ne peut aujourd’hui que s’en féliciter. Seule la solitude lui a permis de s’épanouir totalement et de transmettre, uniquement à l’occasion de stages et au sein de son académie européenne, ce message unique dans le Karaté mondial. Nous allons examiner les constantes développées par Maître Kase et présenter les trois étapes qu’il préconise dans l’évolution de toute une vie.

Le Karaté total

L’art du combat ne peut être exercé que par un pratiquant qui s’investit totalement dans sa passion. L’entraînement est bien sûr physique, mais sans un travail mental d’égale importance, le sujet n’est qu’effleuré. Cette idée est aujourd’hui tellement présente qu’elle en est usée. Dans l’enseignement de Maître Kase, elle est réellement mise en œuvre. Un exercice que le maître demandait de réaliser à l’époque où son groupe avait atteint le niveau troisième dan, était le suivant : dans les circonstances les plus anodines, dans le métro, devant un verre, annoncer une attaque à un ami (pratiquant bien évidemment). Celui-ci doit répondre instantanément, oralement, le blocage correspondant. Cet exercice, apparemment anodin, voire anecdotique, est en fait une première étape vers la fusion du corps et de l’esprit, obligeant à un état de veille permanent. Les entraîneurs sportifs modernes appellent cet exercice l’entraînement virtuel. Maître Kase l’a montré en France il y a un quart de siècle. La fusion du corps et de l’esprit se fait aussi par la répétition des mouvements, les séries. Pas de discours sur l’utilité de ce travail, pas d’interrogation. Le maître montre le mouvement exact et il faut faire des séries, sans réfléchir, en faisant le vide. Le geste devient ainsi instinctif après quelques années. Une série, c’est par exemple 1000 mae-geri, 30 fois le kata Kankudaï sans aucun arrêt, etc. Pour pratiquer ces techniques d’une violence extrême, un préalable est nécessaire. C’est le travail de l’intégrité du corps. Tous les gestes sont orientés vers cet objectif. Ainsi en est-il de la tenue du dos. Il suffit de voir le maître pour le comprendre. Le port est parfait, tout comme il doit l’être en Kendo.

Préserver l’intégrité du corps

La position Fudo-Dachi permet de travailler en toute confiance et avec toute la vitesse nécessaire pour préserver la colonne lombaire, ce que ne permet pas Zen-Kutsu-Dashi. Le travail des membres inférieurs doit aussi être examiné. Ainsi, dans toutes les techniques, il convient de réfléchir à la tenue de la jambe d’appui par des contractions statiques pour préserver le genou.

Nous allons voir au cours des trois étapes de l’évolution du Karatéka que tous ces principes sont appliqués.

Première étape

Cette étape dure entre 10 et 15 ans. Toutes les techniques de base doivent être apprises, assimilées, répétées. Vous les connaissez grâce à votre professeur. La formation du corps est codifiée. Elle se fait autour des 21 katas Shotokan. Maître Kase transmet ceux qu’il a étudiés avec Yoshitaka Funakoshi. Sa fidélité lui a fait rejeter les modifications apportées par Maître Nakayama. Le blocage Age-Uke, par exemple, est différent. Il s’arme à la hanche opposée. Le Karaté originel est présenté dans ses ouvrages publiés à la Sedirep. C’est une référence incontournable si l’on souhaite s’exprimer sur les katas authentiques. Le travail Hikite est aussi parfaitement codifié, le coude étant en arrière, le poignet en supination, le poing fermé, le dos contracté. Nous verrons que celui-ci est modifié dans la deuxième phase de la formation.

Deuxième étape : le travail en Fudo-Dashi

Le Fudo-Dashi est la position originelle. Maître Kase a d’ailleurs souhaité présenter à nos lecteurs quelques gardes spectaculaires dans cette position. Les déplacements se font en Fudo-Dashi, assurant ainsi des appuis au sol parfait. Cette maîtrise des appuis à tout moment est nécessaire, car la puissance vient de la terre.

Après quinze années de pratique, la base est réalisée. Il progressera en se déstructurant. Ainsi le travail Hikite se diversifie, il peut se faire à n’importe quel niveau, en armant toute technique. Le corps entier, chaque mouvement peut être une attaque déterminante. Le travail oi-tsuki se fait aussi en ura-tsuki, tate-tsuki.

L’enchaînement blocage/contre-attaque peut se faire du même bras. Toutes ces techniques qui s’enrichissent d’un travail mains ouvertes renouent avec le Karaté originel, avec des gestes proches de la pratique du sabre qui passionne Maître Kase et avec les instincts de ses ancêtres samouraïs.

Troisième étape : le Sen No Sen

Cela correspond à la fusion du mental avec celui de l’adversaire pour le dominer. Encore une fois, il ne s’agit pas là d’un verbiage. La pensée domine l’adversaire, c’est une réalité. Maître Kase l’exerce et n’exclut d’ailleurs pas les explications philosophiques telles la puissance de la terre, l’homme relié au ciel. C’est un domaine dans lequel il se livre peu. La recette pour atteindre l’harmonie du corps et de l’esprit puis de l’être, dans les éléments naturels, est une démarche très personnelle.

 

Texte : Christian Courtonne

Maître Kase et le combat

Maître Kase a entraîné en combat, à l’université Takushoku des célèbres champion du Japon, Maître Enoeda et Maître Shirai mais aussi Maître Ochi et bien d’autres, à une époque où la compétition combat n’était pas ce que certains appellent aujourd’hui ce jeu de touche pied-poing.

 

J.P. Lavorato

  • Nom : Lavorato
  • Prénom : Jean-Pierre
  • Grade : 9 ème Dan
  • Style : Shotokan
  • Né le 30 juillet 1944 à Viry-Chatillon
  • Champion de France en 1968. Champion d'Europe par équipe en 1966. Expert Fédéral depuis 2001.

Jean-Pierre Lavorato découvre le Karaté à l'âge de 18 ans, sous l'impulsion de son professeur d'éducation physique de l'époque. C'est tout de suite une révélation et le jeune Banlieusard va se donner à fond pour sa nouvelle passion. Il monte très vite en grade et son talent et sa volonté lui valent d'être assez vite apprécié dans le milieu, tant et si bien qu'il rejoint les meilleurs de l'époque, au dojo de la montagne Sainte Geneviève à Paris.

En 1966, il intègre l'équipe de France avec laquelle il remporte un titre Européen. Il pratique la compétition de haut niveau jusqu'en 1970 mais c'est en 68 qu'il connaît son heure de gloire en prenant le titre de Champion de France, à une époque où il n'y avait qu'une seule catégorie et où le karaté était plus appuyé que de nos jours... Lorsqu'on parle de Lavorato, on pense souvent « technicien », il est donc bon de rappeler qu'il fut aussi un excellent combattant.

C'est également en 1966 qu'il part en « pèlerinage » au Japon ! Aux côtés de Dominique Valéra, son ami de toujours, de Setrouk et quelques autres, il visite les dojos du Soleil Levant et se frotte aux Japonais sur leur terrain. La rencontre la plus importante de sa carrière, c'est Sensei Kase. Ce dernier a été tout au long de sa vie l'exemple que Jean-Pierre Lavorato n'aura cessé d'encenser ...

Fidèle à son maître, fidèle à ses amis et à sa passion, Lavorato s'entraîne sans relâche et continue de perfectionner son art au fil des ans. Aujourd'hui il est 8ème dan et expert fédéral depuis 2001. Il donne de nombreux stages où il démontre à tous qu'un Karatéka, à la soixantaine, est un jeune sportif dans la force de l'âge !... Célèbre pour ses postures extrêmement basses, il surprend les septiques par sa grande vélocité... Et ses Ukés par ses démonstrations appuyées !...